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Encyclopédie

HISTOIRE

 Fondé en 1131

Aperçu historique

La fondation  de l’abbaye  cistercienne dans le vallon de Cherlieu le 15 juin 1131,  sur le site d’un petit prieuré de chanoines réguliers installé là en 1127 par l’archevêque de Besançon Anséric, participa au vaste mouvement de réforme religieuse commencée sous le pape Grégoire VII au XI° siècle et continuée en 1098 par Robert de Molesmes avec le « Nouveau Monastère » dans les marais de Cîteaux. 

Un prieuré est attesté par une charte d’ANSERIC, archevêque de Besançon envers GERMAIN, prieur de CHERLIEU en 1127.

 

La période de prospérité du XIIème au XVème siècles

 
Le 17 janvier 1131, GUY premier abbé de CHERLIEU fut envoyé par Bernard de CLAIRVAUX avec douze compagnons pour établir la règle cistercienne. La prospérité fut alors rapide et CHERLIEU essaima pour fonder à son tour des abbayes nouvelles dont ACEY dans le Jura dans la décennie qui a suivi sa création. (Cliquer ICI pour en savoir-plus)


Les XIIème et XIIIème siècles ont vu l’abbaye s’enrichir de nombreuses possessions. A la tête d’un important domaine géré par le moyen de granges (17 en 1160) ses revenus surpassaient ceux de toutes les autres abbayes cisterciennes de Franche-Comté. L’église l’une des plus vastes de la province fut bâtie entre 1150 et 1220 (nef longue de 100mètres environ, sept chapelles rayonnantes). Malgré les vicissitudes, famines, guerres et pillages des XIVème et XVème siècles, la prospérité dura jusqu’au début du XVIème siècle.

La période difficile XVIème et XVIIème siècles 

 

Mais l’abbaye périclita avec le système de la commande introduite en 1522. Elle fut en outre incendiée par les troupes protestantes en 1569. Elle fut relevée de ses ruines au début du XVIIème siècle par l’archevêque abbé Ferdinand de RYE mais dut subir de nouvelles graves déprédations pendant la guerre de Dix-Ans. 

Le nouveau palais


Au début du XVIIIème siècle, deux abbés bâtisseurs J.A de BROISSIA et A.F de BLITTERSWICK de MONTCLEY élevèrent les bâtiments conventuels conservés actuellement. A la fin du XVIIIème siècle le dernier abbé Jacques de VERMONT fit construire un somptueux palais abbatial entourant un original cloître circulaire dont il ne reste plus rien en élévation. 

La Révolution 


Elle fut fatale à l’abbaye : les bâtiments sont lotis ou démolis, le mobilier vendu, l’église sert de carrière de pierres.

Classées puis déclassées, les ruines de Cherlieu sont protégées actuellement au titre des Monuments historiques depuis 1984. 

De la prospérité à la ruine 

1127 - 1842

Par Jean-Pierre Kempf

La recherche du « désert » revêt pour les premiers Cisterciens au XII° siècle une valeur religieuse essentielle avec la construction de leurs monastères à l’écart des villages et des châteaux et de préférence dans un milieu boisé. En ardent défenseur de la nature sauvage, Bernard de Clairvaux, fondateur de Cherlieu,  écrivait en 1138 à l’abbé de Vauclair : « Tu trouveras plus de choses dans les bois que dans les livres. Les arbres et les rochers t’enseigneront ce que tu ne peux apprendre d’aucun maître ».


Mais il est évident qu’à partir de 1150  avec le développement  de l’abbaye, bien vite à l’étroit dans son vallon, la communauté monastique transigea avec l’austérité primitive mal adaptée aux réalités de la vie quotidienne. En effet, dans l’esprit de Saint Bernard, une abbaye doit être une « cité idéale » répondant à ses propres besoins, bien que retranchée du monde. La Règle de Saint Benoit d’ailleurs préconise que tout le nécessaire à la société monastique, à savoir l’eau, le moulin, le jardin, soit dans l’enclos abbatial.


Cette autonomie est rapidement impossible à Cherlieu et Marlay. Avec le développement démographique de la communauté, qui oblige à essaimer et fonder de nouveaux monastères entre 1134 et 1138 à Hautcrêt, Acey, Le Gard et Hauterive, les moines et les convers construisent sur les terres données par les familles seigneuriales de la région, de vastes bâtiments d’exploitations agricoles (appelés granges) et d’importantes installations artisanales comme les moulins, à une distance ne dépassant pas une journée de marche de l’abbaye comme le stipulent les Statuts des Chapitres généraux de l’Ordre. C’est ainsi que sont édifiées les granges proches de l’abbaye comme Fontain  et Romain (Preigney), Les Crayes, Gircourt, la Grange neuve, cultivées en faire-valoir direct. Les plus importantes sont plus lointaines et exploitées par les convers comme Bichecourt dans la vallée de la Mance, Trémoncourt  (Venisey), Miévillers, Les Courcelles (Cornot), Villers (Malvillers), Gomoncourt (Saponcourt), Gondelencourt (Port d’Atelier), Les Charmes (Semmadon).


Les besoins de l’autarcie monastique favorisent le développement de la vigne à Purgerot, aux Crayes, à Voisey, ainsi que de petites unités métallurgiques pour la fabrication d’outils à Agneaucourt ou à Tartécourt. Une vingtaine de moulins fonctionnent sur les différents cours d’eau de la région : les plus importants comme Effondray (Purgerot), Bossey (Montureux les Baulay), Belin (Cendrecourt) sont sur la Saône.


Un siècle plus tard, cet idéal primitif cistercien se trouve ébréché et les travers que saint Bernard reprochait à l’Ordre de Cluny se constatent  et sont même amplifiés dans l’Ordre cistercien.


Malgré les tentatives de réformes au cours des siècles (la plus importante fut celle de Rancé à la Trappe au XVII° siècle), le modèle cistercien de l’époque de la fondation et l’austérité primitive n’existent plus depuis longtemps à Cherlieu  à la veille de la Révolution en 1789. A cette date, l’abbaye ne compte plus que 7 moines et son abbé commendataire Matthieu Jacques de Vermont vit à Versailles dans l’entourage de la reine Marie Antoinette. Toutes les possessions seront vendues comme Biens nationaux entre 1791 et 1793 et l’église du XII° siècle servit de carrière jusqu’en 1842.

Que reste-il de 660 ans de présence des Bernardins dans le vallon ?

Par Jean-Pierre Kempf

Cherlieu est aujourd’hui un petit hameau en bordure du ruisseau des Ecrevisses, à l’orée de la forêt domaniale qui  porte son nom, sur le territoire de la commune de Montigny-les- Cherlieu  près de Jussey. Les traces du glorieux passé de l’abbaye cistercienne sont cependant toujours perceptibles sur les bâtiments encore existants. En arrivant de Montigny, d’Agneaucourt  ou de Bougey, la ruine  du mur sud du bras du transept de l’ancienne église abbatiale surprend par sa solitude et sa majesté. Sa restauration en 1993 lui évite dorénavant des dégradations irréparables, mais le chœur de l’église et l’ancien cimetière sont  actuellement convertis en prés. Les restes des communs  monastiques reconstruits aux XVII° et XVIII° siècles avec l’emplacement de l’ancien cloître sont partiellement à l’abandon depuis deux ans. Seul vestige demeuré entier, le calvaire biface autrefois érigé sur le parvis de l’église en 1613 par l’archevêque et abbé Ferdinand de Rye a été déplacé au XIX° siècle en bordure de la route actuelle et rénové récemment par la municipalité de Montigny. L’ancienne maison forestière, construite en 1751  par les moines pour loger leur personnel, demeure aujourd’hui l’unique bâtiment habité en permanence, attenant à un gîte rural très prisé pour son cadre champêtre.


Depuis que les moines  l’ont endigué au XII° siècle, le cours du ruisseau contourne les bâtiments abbatiaux au niveau de l’ancienne digue d’étang en amont. De sa source à sa confluence avec l’Ougeotte à Agneaucourt, le ruisseau de Cherlieu  porte les traces des travaux des moines avec la présence  de sept étangs, aujourd’hui  asséchés et transformés en prairie. Leurs digues  barrant  le vallon existent encore, en particulier au niveau de la source Saint-Bernard avec un dénivelé de 3 à 5 mètres. Ces plans d’eau servaient de viviers et de réserves pour faire tourner les moulins. En amont, le moulin Ferry où un magnifique calvaire biface se dresse encore au bord de l’ancien chemin, sert maintenant d’abri pour le bétail.


Les travaux gigantesques de terrassements nécessaires à l’implantation du monastère sont encore perceptibles sur le site actuel de l’abbaye. Une rive talutée du ruisseau protège l’abbaye des débordements et des crues ; à cet endroit en effet, le cours d’eau est légèrement en surélévation par rapport aux bâtiments. Cette disposition fut d’ailleurs mise à profit par la construction d’un canal de dérivation enterré et entièrement voûté, dont l’embouchure se situe dans l’ancien étang en amont, passe sous l’abbaye pour ressurgir quelques centaines de mètres plus loin en aval. Cette installation sert encore de drain et d’égout au hameau actuel.


Plus en aval, le moulin Battant et la Grange Neuve voisine n’existent plus. Ils étaient cependant encore en activité en 1895. La pierre d’angle de la bâtisse du moulin, sur laquelle  figurait  l’inscription attestant que : « Dom Chantereine, religieux de l’abbaye de Cherlieu, sous-prieur », en a entrepris la restauration en 1745, est en réemploi dans le mur de clôture de la maison d’habitation de la ferme actuelle. Le moulin d’Agneaucourt enfin, donné par Guy de Pesmes en 1157, employé au travail du fer à l’époque médiévale et servant encore de foulon jusqu’au XVI° siècle, est aujourd’hui une habitation agréable en bordure du ruisseau de Cherlieu avant sa jonction avec l’Ougeotte.
Dans un article paru dans  la revue Pays Comtois en 1934, Louis Vauthier supposait qu’un prieuré existait à Cherlieu depuis l’époque carolingienne, mais aucune preuve  ne vient corroborer cette légende. En 1127 par contre, l‘existence du prieuré est bien réelle puisque le cartulaire de l’abbaye commence par la charte  d’Anséric , archevêque de Besançon, adressée à son ami Germain, prieur de Cherlieu. Comme l’a fait remarquer l’abbé Besson en 1847 dans son livre intitulé  « Mémoire historique sur l’abbaye de Cherlieu », il ne s’agit pas encore de Cisterciens à cette date, mais de chanoines réguliers. Ce n’est qu’en 1131 que Guy, premier abbé de Cherlieu, envoyé par Bernard de Clairvaux, réunit ses douze compagnons cisterciens et les religieux occupant déjà le lieu, en une seule communauté.


La prospérité de l’abbaye prit rapidement un essor considérable. Les premières chartes du cartulaire énumèrent entre 1139 et 1160 les longues listes de dons de terres, prés, vignes et bois, réunis pour constituer les terroirs des 17 granges ou exploitations agricoles, réparties dans un rayon de 20 kilomètres autour de l’abbaye. Les XII° et XIII° siècles ont été les époques de la grande splendeur de l’abbaye. C’est entre 1150 et 1220 que fut construite l’église dont il ne subsiste que des  ruines aujourd’hui. Ses dimensions imposantes en faisaient l’une des plus vastes de la province et plusieurs comtes de Bourgogne, en particulier Othon IV en 1309, y avaient leurs sépultures.
Cette richesse avec quelques aléas dura jusqu’au XVI° siècle et n’alla pas, comme partout ailleurs, sans corrompre les rigueurs monastiques des débuts. Pestes, famines, guerres troublèrent les XIV° et XV° siècles. Routiers, Grandes Compagnies ont sévi en Comté et l’abbaye semble  avoir souffert de leurs déprédations. Les Ecorcheurs  l’ont pillée, emmenant l’abbé Etienne de Jussey (1416-1439) qui fut rendu contre rançon. En marge des démêlés de Louis XI et de Charles le Téméraire, Georges de Craon met à sac Cherlieu au mois de mai 1476 et fait prisonnier l’abbé Gilles de la Cour (1456-1477).


Avec Charles de Brassey (1518-1522), l’abbaye tombe en commende et la Réforme luthérienne amène sa ruine. Au printemps de 1569, les protestants français  soulevés contre Charles IX appellent à leur secours Guillaume de Nassau, prince d’Orange. Wolfgang, duc des Deux-Ponts, avec une forte armée, envahit la région pour rejoindre Coligny et Condé. Un certain nombre de seigneurs comtois se joignent à eux. Pour se venger de Claude de la Baume, archevêque de Besançon et abbé de Cherlieu, qui lui avait refusé l’autorisation de se marier avec sa cousine, le baron de Savigny, seigneur de Saint Rémy, ameuta les hommes de Wolfgang sur l’abbaye. La veille de Pâques 1569,  l’abbaye de Cherlieu est incendiée .La destruction est telle que les ruines restent désertes pendant quelque temps. En 1595, le raid de Tremblecourt achève le désastre. Ce n’est qu’à partir de 1598 que les bâtiments conventuels sont reconstruits avec Ferdinand de Rye, archevêque et abbé de 1599 à 1636. Mais en 1637, les Suédois de Weimar et, en 1641, les troupes de Du Hallier viennent à nouveau s’acharner sur Cherlieu.


Aux XVII° et XVIII° siècles, les bâtiments se reconstruisent et la prospérité semble renaître avec les abbés  Jean Ignace de Broissia et surtout Antoine François de Blitterswick de Moncley, qui est le constructeur en 1708 et 1709 des bâtiments subsistants aujourd’hui, ainsi que le restaurateur de la grange de Marlay où ses armoiries figurent toujours en façade.


Malgré les tentatives de réformes au cours des siècles, dont la plus importante fut celle de Rancé à la Trappe, le modèle cistercien de l’époque de la fondation n’existe plus depuis longtemps à Cherlieu à la veille de la Révolution de 1789. A cette date, l’abbaye ne compte plus que 7 moines et son abbé commendataire Matthieu Jacques de Vermont (1780-1789) vit  à Versailles dans l’entourage de la reine Marie Antoinette.


La construction d’un nouveau palais abbatial, commencée en 1777, n’était pas achevée  lorsque l’Assemblée nationale supprima les congrégations religieuses en février 1790. Le mobilier fut mis aux enchères trois jours durant en juin 1791. Toutes les possessions immobilières seront vendues comme Biens nationaux entre 1791 et 1793 et l’église de XII° siècle servira de carrière jusqu’en 1842.

 

Histoire de CHERLIEU

à travers quelques personnages illustres

Par Jean-Pierre Kempf

Au cours de six siècles et demi de son existence (de 1131 à 1790) des personnalités diverses ont illustré l’histoire de l’abbaye cistercienne de CHERLIEU.


La première de toutes est évidemment celle du fondateur, BERNARD abbé de Clairvaux, proclamé saint en 1174 soit 21 ans après sa mort. Conseiller des papes, des rois, des évêques, soit retiré à Clairvaux, soit parcourant les routes d’Europe, il suscite l’enthousiasme pour défendre la Terre sainte ou pour persuader de nouveaux adeptes à se convertir à la vie monastique. 


C’est lui qui prend soin personnellement de l’affiliation du prieuré des chanoines réguliers établis dans le vallon de CHERLIEU en 1127, à l’Ordre de CITEAUX sous l’autorité de Germain. L’occupation du prieuré par les envoyés de Bernard de Clairvaux est actée du 17 juin 1131 dans Gallia Christiana. Saint Bernard lui-même semble avoir été présent à la mi-juin 1131 lors de cette installation cistercienne puisque l’un de ses biographes, Guillaume, abbé de Saint Thierry raconte qu’en se rendant à Besançon à cette époque, Bernard de Clairvaux a guéri à CHERLIEU un jeune homme malade des yeux. Geoffroy de Clairvaux explique à son tour qu’en 1148, BERNARD de passage à CHERLIEU avec plusieurs abbés de l’Ordre redonne l’usage de ses jambes à une vieille femme paralytique. Ces passages dans le vallon de CHERLIEU surtout s’ils sont accompagnés de miracles peuvent expliquer l’afflux des dons et des conversions à la vie monastique entre 1131 et 1160. De plus Saint Bernard mit beaucoup d’acharnement à défendre GUY 1er abbé de CHERLIEU contre les agissements de l’abbé de Faverney et contre Pierre de Traves, doyen du Chapître Saint Etienne de Besançon. 

 


La personnalité de GUY, 1er abbé de CHERLIEU est particulièrement intéressante : 


-moine à Clairvaux, disciple de St Bernard, il est originaire d’EU sur la Bresle à l’extrême Nord de la Normandie,
-il fut comme son maître d’une activité débordante et n’hésite pas à entreprendre en plein hiver le voyage pour Rome pour se défendre auprès du pape contre Pierre de Traves. Dans la première décennie de Cherlieu, il est à l’origine de quatre fondations d’abbayes nouvelles : Hautcrêt 1134, Acey 1136, Le Gard 1137 et Hauterive 1138. Si Acey n’est pas très éloignée de Cherlieu, Hautcrêt près d’Oron et Hauterive près de Fribourg étaient alors situées dans le diocèse de Lausanne. La fondation du Gard en bord de Somme dans le diocèse d’Amiens peut surprendre. GUY abbé de Cherlieu fut peut-être sollicité par son père, l’abbé Bernard pour cette fondation, à la demande du vidame d’Amiens. Il la visite régulièrement malgré son éloignement jusqu’en 1146, il figure comme témoin sur la charte de fondation de l’abbaye voisine de Foucarmont. 


La recherche historique récente en particulier la thèse de Claire MAITRE (1995) « la réforme cistercienne du Plain-Chant » a confirmé les suppositions de Mabillon au XVIIème siècle qui présentait GUY d’EU, abbé de Cherlieu comme étant l’auteur du préambule expliquant les raisons de la réforme du chant liturgique cistercien. Cette révision du chant liturgique est entérinée au Chapître général de l’Ordre vers 1150 et approuvée par le Pape Eugène III en 1152. Mais cette réforme (la regula de Arte Musica) fut l’œuvre d’une commission composée d’abbés et de moines les plus compétents en musique à laquelle ont plus particulièrement participé Guy de Cherlieu et Guillaume de Rievaulx (Angleterre).
Par ailleurs et les travaux récents de F Joly l’ont confirmé c’est sous l’abbatiat de GUY vers 1150 que furent entrepris les travaux de construction selon le modèle de Clairvaux II (avec déambulatoire et chapelles rayonnantes) de l’église abbatiale de Cherlieu dont on admire aujourd’hui encore les ruines. 


Guy de Cherlieu meurt le 23 septembre 1157, le ménologue de Citeaux comme les annales cisterciennes lui donnent le titre de Bienheureux. 

 


Au XIIème et XIIIème siècles la communauté cistercienne ne mentionne que très rarement les personnes es qualités mais les abbés qui se succèdent à Cherlieu sont tous connus en raison de leur participation au Chapître général annuel de l’Ordre à Citeaux. Les chapîtres généraux sanctionnent parfois quelques abbés ou moines : Par exemple en 1205, l’abbé GOMBAUD est condamné à 40 jours hors de sa stalle et à jeûner pour avoir laissé entrer une troupe d’ecclésiastiques trop bruyamment à l’infirmerie et laissé mourir un lépreux à la porte de l’église….


 A partir du XIIIème siècle des personnages importants sont enterrés dans l’abbatiale : 


-en 1258 : Henri de Vergy seigneur de Fouvent


-en 1266 Hugues de Chalon, comte de Bourgogne


-en 1279 Alix de Méranie son épouse


-en 1310 l’enterrement du dernier comte de la branche directe de Bourgogne Othon IV à l’abbaye de Cherlieu a défrayé la chronique en raison du nombre et de la qualité des participants au cortège ainsi que de la liste des frais engagés par la Comtesse Mahaut pour le catafalque, les provisions et les vins.  Mahaut d’Artois fit ériger pour son mari un tombeau gris avec un gisant en armures et de petits pleurants en marbre blanc en applique sur les côtés. Il ne reste pratiquement rien de ce tombeau, œuvre d’un sculpteur flamand installé à Paris Jean Pepin d’Huy car il fut saccagé en 1569 par les troupes du Duc des Deux Ponts. Un seul petit moine de 20 cm sans tête exposé aujourd’hui au Louvre subsiste.


 

Les XIV et XVème siècles furent une période de récession, marqués par la grande peste de 1348 et les guerres. Les Ecorcheurs emmènent l’abbé Etienne de JUSSEY qui ne fut rendu que contre rançon en 1439. L’abbé Gilles de LA COUR subit le même sort en 1477. En 1497 Rémi dit MORELOT sera le dernier abbé désigné par la communauté cistercienne. Son successeur Charles de BRASSEY ouvre l’ère nouvelle des abbés commanditaires c’est-à-dire désignés par l’autorité ecclésiastique. En 1522 Claude de NICEY lui succède. Docteur en théologie, il fut distingué par le pape Paul III en hommage à sa science. 

 


La réforme luthérienne amena la ruine de Cherlieu. En effet, au printemps 1569, Wolfgang Duc des Deux-Ponts avec une forte armée traverse la Comté pour rejoindre Coligny en lutte contre Charles IX. Un certain nombre de seigneurs comtois se joignent à eux. Pour se venger de Claude II de la Baume Archevêque de Besançon et abbé de Cherlieu qui lui avait refusé l’autorisation de se marier avec sa cousine germaine, le seigneur de St Rémy ameute les hommes de Wolfgang sur l’abbaye qui est incendiée la veille de Pâques 1569. 


Ce n’est qu’en 1599 que les bâtiments peuvent être reconstruits grâce à Ferdinand de RYE, archevêque de Besançon et abbé de Cherlieu qui suscite dans la région un certain renouveau jusqu’en 1636. Ancien soldat devenu prêtre puis archevêque de Besançon en 1586, Ferdinand de Rye est à l’origine de nombreuses réformes et rénove couvents et collèges. A l’âge de 80 ans, cet archevêque par ailleurs gouverneur de Franche-Comté anime avec Jean BOYVIN la défense de Dole en 1636 et meurt au moment où Condé lève le siège de la ville. Ses armoiries figurent sur le socle du calvaire qu’il fit ériger en 1613 et qui demeure le seul monument entier à Cherlieu.    


Mais ce renouveau du début du XVIIème siècle fut anéanti à nouveau par la guerre de Dix-ans (1634-1644). Pierre de CLERON abbé de 1637 à 1666 et Jean-Ignace de BROISSIA son successeur jusqu’en 1694 font des bilans désastreux de l’état des bâtiments et commencent les travaux. 


C’est Antoine-François de BLITTERSWICK de Montcley, archevêque de Besançon et abbé de Cherlieu qui fit entreprendre la construction des bâtiments encore existants à Cherlieu entre 1701 et 1709 ainsi que les granges. Il organise le partage des revenus de l’abbaye : les 2/3 de la mense abbatiale vont à l’abbé et 1/3 reste à la communauté conventuelle. Cet accord sera respecté jusqu’en 1789. 


Au XVIIIème siècle quatre abbés se succèdent à Cherlieu : 


- Jean-Louis BERTON DE CRILLON, archevêque de Narbonne 1734-1751


-Plaicart de REGECOURT jusqu’en 1758


-Mathieu PONCET de la Rivière évêque de Troyes 1758-1780


-Mathieu-Jacques de VERMONT 1780-1790 ancien précepteur de la Reine Marie-Antoinette qui lance les travaux de construction d’un somptueux palais abbatial et d’un cloître circulaire. 


Au cours du XVIIIème siècle la communauté religieuse se situe entre 8 et 11 membres. En 1777, les moines de Cherlieu décidèrent la construction d’un nouveau palais abbatial achevé en 1788 au plan octogonal et au cloître intérieur circulaire. Ce bâtiment subit le premier les conséquences de la vente des Biens nationaux de 1791.


La suppression des ordres religieux le 13 février 1790 par l’Assemblée constituante obligea les dix derniers cisterciens de Cherlieu à prendre une décision personnelle quant à leur avenir.


-    Le Procureur de Cherlieu REVERCHON DE POLIGNY partit sans dire sa destination


-    Dom DAVAL partit au début de l’été 1790 certainement dans une autre abbaye cistercienne à l’étranger


-    Dom LA GRANDFEMME rejoignit l’abbaye de Beaulieu en avril 1789


-    Etienne Claude AVENNE déclare vouloir se retirer à Gray


-    François NICOLLE déclare vouloir finir sa vie à Cherlieu vu son âge (75ans)


-    Les trois autres se retirent de la vie monastique 
o    Joseph GILBERT âgé de 81 ans en 1790 se retire à Besançon
o    Jean-Claude BARBAUD se retire à Authoison et prête serment de liberté égalité fraternité à Voray sur l’Ognon où il assure le service paroissial
o    Claude Antoine DEVOSGE né à Gray en 1730, prieur de l’abbaye refuse de prêter serment. Retiré à Grandecourt, il est arrêté le 16 nivôse an VI parce qu’il exerce le culte en cachette. Condamné à la déportation, emprisonné à Jussey puis à Vesoul il est libéré le 19 pluviose an VIII et placé sous surveillance à Grandecourt. 


Extrait du PV du 3 décembre 1790 de la visite de C F JOSSE, notaire royal à Vitrey, commissaire nommé pour l’estimation des Biens nationaux du canton.

« ...il existe partie d’une aile de l’ancien corps de logis lézardé en plusieurs endroits et trois ailes de l’ancien cloître fort caduques…ce qui a nécessité les religieux de reconstruire par arrêt du Conseil une maison complète. Cet édifice est un monument qui pourrait figurer avec ceux qu’on admire dans la capitale par son plan ingénieux. Il consiste dans un cirque qui forme au rez-de-chaussée le cloître et dans l’étage le corridor ou dortoir où se trouvent les chambres des religieux. Ce cirque est de cent pieds de diamètre (30,5 m) décoré dans son pourtour de vingt-quatre colonnes d’ordre dorique de trente-deux pieds de fust, non compris les bases, chapiteaux, entablements et corniches. Ce morceau d’architecture est aussi élégant que majestueux. A ce cirque sont adossés quatre corps de logis… »

De ces magnifiques bâtiments monastiques construits à partir de 1777, vendus entre  1791 et 1793 et démolis les années suivantes, il ne reste rien en élévation. La démolition de l’église ne s’est achevée qu’en 1842, le pan de mur a été préservé du fait de la chute d’un ouvrier interprétée comme une punition divine.


 

Plan réalisé en 1772 par l’architecte dijonnais Charles Saint-Père

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Histoire contemporaine de CHERLIEU

à travers quelques documents.

Le mur subsistant de l’Abbaye Royale de Notre Dame de Cherlieu menaçait la ruine dès le début du XX ème siècle, après le massacre de l’abbatiale au XIX ème siècle.

Les anciens propriétaires, Messieurs VAUTHIER père et fils en obtenaient le déclassement en tant que monument historique. Georges MOREAU, géomètre du cadastre, habitant alors la « Maison forestière » afin de refaire le cadastre du village de Montigny-lès-Cherlieu, en 1946, achète au fils Louis les vestiges du mur occidental du transept nord de l’abbatiale afin d’en éviter sa disparition.

Mais la hantise de Georges était que la clé de voûte de la fenêtre supérieure sud-ouest ne tombe, ce qui aurait signé la ruine définitive du mur.

Après ses études, son fils, Gilles MOREAU, habite Jussey.

Avec son père ils obtiennent le reclassement du mur, ils créent une association et lui louent le mur implanté sur six ares de terrain par bail emphytéotique ce qui leur permet d’obtenir, grâce  Monsieur le Préfet LEFEBVRE, une subvention de 800 000 francs. Le mur est sauvé, remis à neuf.

Au décès de Pierre Chatelet, en 2016, ses héritiers sont vendeurs du palais abbatial et de plusieurs hectares de terrain. Jean-Paul BORSOTTI achète le palais abbatial. Gilles MOREAU reprends la majeure partie du cloître, deux hectares de terrain autour du mur dont le cimetière des moines et sa petite maison. Grâce à la générosité de Madame Françoise LEPARGNEUR, ils acquièrent la porterie-enfermement et plusieurs hectares de terrain autour.

Depuis, les deux amis et leur famille entreprennent des travaux colossaux de nettoyage et de restauration, actuellement des toitures. Ils bénéficient alors des avantages de la mission BERN qui leur permettra de réaliser des investissements importants sur le site, mais qui ne combleront pas le gouffre insondable des besoins nécessaires à refaire de CHERLIEU ce lieu cher.

A cet effet, ils créèrent l’association « Agir pour Cherlieu », très dynamique, et reprennent la réalisation de concerts-conférences, comme dans les années 1980 avec les musiciens de la famille et les solistes de l’Opéra National de Paris.

Ils organisent des rencontres avec d’autres associations culturelles et des grandes personnalités ainsi que d’autres manifestations destinées à séduire les mécènes.

Après la restauration et l’entretien du mur fétiche,  CHERLIEU et son hameau prospèrent de nouveau de manière magistrale.

Diaporama Histoire de l’Abbaye Notre Dame de Cherlieu

Conférence du 20 décembre 2016

Les abbayes filles de CHERLIEU

Abbaye de Haut-Crêt, 1134 Suisse

Abbaye Notre-Dame d'Acey, 1136, France

Abbaye d'Hauterive, 1138, Suisse

Abbaye de Beaulieu, 1170, France

Abbaye du Gard en 1137, France (Fille de Claivaux, fondée par des moines de Cherlieu.)

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Abbaye de Hauterive (Suisse)

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